Réemployer des matériaux non utilisés sur des chantiers, afin d’éviter qu’ils ne finissent à la benne, tout cela en luttant contre le mal-logement : la chouette idée des architectes de l’association « Faire Avec » !
3 amies en quête de sens
Assises côte à côte dans un espace de coworking parisien, Clotilde Buisson, Gwenaëlle Rivière et Clara Piolatto, trois architectes de formation, cherchent à redonner un sens à leur travail. Toutes les trois viennent d’horizons différents, donnant au groupe une belle complémentarité. Ensemble, elles ont créé l’association « Faire Avec », pour lutter contre la précarité dans le domaine de l’habitat.
« Faire Avec », c’est d’abord un double-constat : le secteur du bâtiment en France génère environ 50 millions de tonnes de déchets par an. En parallèle, deux millions de français sont en situation de mal-logement. Les trois amies se sont alors mises en tête de trouver un moyen de valoriser ces ressources inutilisées comme solution à cette problématique de logement. Une mission que l’association s’évertue à mener depuis sa fondation en 2017.
Bienvenue aux fées du logement
Pour se faire, il a d’abord fallu trouver des sources d’approvisionnement. En effet, il y a un grand écart entre prendre conscience que des tonnes de matériaux sont inutilisées et jetées à la benne dans un état proche du neuf, en fin de chantier ou directement depuis les magasins, et le fait de pouvoir les récupérer et s’en servir. Dans un secteur qui a tendance à jeter facilement, difficile de convaincre les différents acteurs de procéder autrement.
Heureusement, des plateformes spécialisées dans le réemploi en bâtiment existent, permettant à l’association de se fournir en matériaux dans les premiers temps. « Faire Avec » commence par s’attaquer à un projet complexe, la rénovation du centre de réinsertion sociale Georges Dunand, dans le 14ème arrondissement de Paris. Ce premier projet leur permet de faire leurs armes en étant confronté à plusieurs problématiques profondes. L’objectif de base est simple : faire en sorte que les 54 habitants puissent disposer d’une chambre individuelle. De là, l’association rencontre plusieurs strates de détails à régler, qu’elle s’efforce de solutionner par un dialogue constant avec les habitants et responsables du centre.
Il faut dire que le dialogue est à la base de l’action de l’association. Pour les fondatrices, la conception d’un projet de réaménagement, de rénovation ou encore de création pure, ne peut se faire qu’en étroite collaboration avec les principaux intéressés, c’est-à-dire les habitants (ou futur habitants) des lieux. Pour cela, « Faire Avec » propose des ateliers de co-création au travers de séances photos, d’expression corporelle, afin de pousser les bénéficiaires des projets à exprimer pleinement la manière dont ils voudraient occuper l’espace, et leur vision de celui-ci.
Ensuite, sur ce projet en particulier, une autre question subsiste : comment réussir la démarche tout en sachant que la population du centre se renouvelle au fil du temps ? Il ne s’agit pas de logement définitif, et les habitants ne font que passer quelques mois à l’intérieur. Il faut donc être à l’écoute, tout en proposant des solutions flexibles car rien ne garantit que le bâtiment entier ne soit un jour destiné à une autre utilisation.
Une démarche complète pour l’habitat
Au-delà du caractère urgent de son action, « Faire Avec » a à cœur de faire bouger les choses dans le secteur de la construction et du bâtiment. Poussée par des valeurs de réemploi, recyclage, et s’inscrivant dans l’économie circulaire, l’association juge essentiel d’être moteur du changement, et d’éviter ainsi le gaspillage de tonnes de matériaux quasiment neufs, qu’ils soient issus de chantiers ou de fins de série invendues en magasin.
Cette approche ne néglige pour autant pas les spécificités de chaque projet, qui est conduit comme un véritable projet d’architecture classique, du diagnostic initial à la pendaison de crémaillère du lieu « ressuscité », avec un soucis particulier de collaboration avec les futurs occupants des lieux. Chaque projet donne lieu à la création d’un groupement de ressources, sorte de mini inventaires des éléments qui entreront en compte dans le rendu final, et permettant de gérer efficacement la donnée imprévisible de l’approvisionnement. En effet, avec une telle méthode de récupération des matériaux, les quantités sont aléatoires, donnant lieu à des mélanges uniques au sein des habitats. S’attaquant à la filière entière, l’association milite auprès des particuliers comme des professionnels pour ne pas générer de gaspillage de matériel.
Pour rappel, en 2017 en France, plus de 3 millions de personnes ont souffert du froid pour des raisons de précarité économique ne leur permettant pas de se chauffer convenablement. Plus de 2 millions d’entre elles habitent dans des logements dénués de tout confort (chiffres de la Fondation Abbé Pierre). Un énorme chantier donc, dans lequel il faudra Faire Avec toutes les ressources disponibles. Bonne nouvelle, l’association est actuellement placée sur plusieurs projets, dont la rénovation d’une ferme en permaculture, un abri réalisé avec les moyens du bord dans les Cévennes, la conversion d’un local commercial en café-bar… Nous leur souhaitons pleine réussite dans leur noble œuvre.