Faire rouler les bus parisiens à l’essence… de marc de raisin ?

par | Mai 14, 2019 | Des chouettes idées vertes

Une entreprise située en Gironde a élaboré un carburant à partir du recyclage de déchets de production viticole. Une opportunité qui fait sens dans un des pays produisant le plus de vin au monde ! Bientôt tous les bus de Paris carbureront-ils à ce doux breuvage ?

Idées vertes - Recyclage déchets de bouteilles de vin marc de raisin en essence

Une bio-innovation girondine…

Le département de la Gironde est un grand producteur de vin. Sur les 542 communes que compte son territoire, la vigne se trouve dans pas moins de 500. Le secteur représente environ 50 000 emplois, sans compter les saisonniers. 7 millions d’hectolitres sont produits chaque année dans le département, soit 2% de la production mondiale de vin.

C’est donc tout naturellement que la société coopérative Raisinor a décidé d’implanter dans ce territoire la toute première usine de test de production d’un carburant innovant : Le biocarburant ED95. Il contient plus de 90% d’éthanol, mélangé à des additifs pour pouvoir être utilisé par des poids lourds. Son utilisation sur des véhicules particuliers n’est pas envisagée, car l’entretien est trop contraignant sur des véhicules de petite taille.

Made in France mais implantée… en Suède

La société Raisinor n’en est pas à son coup d’essai concernant cette innovation. Elle travaille même sur le sujet depuis de nombreuses années, mais s’est heurtée à des barrières politiques, sociétales et fiscales en France. Elle a alors choisi de se tourner vers des marchés plus favorables, comme la Suède.

A Stockholm, 700 bus transportant des voyageurs fonctionnent ainsi à l’ED95, garantissant des émissions de gaz à effet de serre amoindries de près de 80% sur les véhicules concernés. Pas surprenant quand on connaît la volonté politique de la Suède à approcher la neutralité carbone.

Une bonne nouvelle fin 2016 a cependant redonné ses chances à ce carburant sur le territoire français : homologué officiellement après une bataille juridique acharnée, l’ED95 bénéficie même des réductions fiscales liées aux carburants d’origine renouvelable, ce qui permet sa vente à un prix compris entre 80 centimes et 1€ le litre.

Suite à son entrée au rang des carburants écologiques homologués, l’ED95 va maintenant subir une phase de test auprès des transporteurs – de voyageurs ou de marchandises sur des courtes et moyennes distances – afin d’en évaluer les performances et les avantages environnementaux. Notamment sur la ligne de bus reliant Mont de Marsan à Dax. Une ligne Occitane s’est également dotée d’un véhicule roulant à l’ED95, une alternative au diesel et au gasoil qui séduit.

Un bon élève aux résultats à nuancer

Si l’ED95 séduit, c’est en grande partie parce qu’il serait produit à grande échelle de manière locale. Dans la partie Sud de la France, ce n’est pas la vigne qui manque. Un autre de son attrait réside dans le fait que ce carburant est issu de déchets secondaires de l’agriculture. Le grand problème des autres biocarburants, souvent produits à partir d’éthanol de canne à sucre, de betterave ou de colza, est que leur production va rentrer en concurrence avec des cultures destinées à l’alimentation humaine ou du bétail. Afin d’en produire des quantités suffisantes, il faudrait alors mettre en culture des superficies de terrain immenses, conduisant donc nécessairement à de la déforestation massive.

L’ED95 ne présente pas ce problème car il est issu d’éthanol produit à partir de la fermentation de marc de raisin, qui lui a déjà servi à la production du vin ! Il s’agit donc de déchets secondaires, dont personne n’avait l’utilité, ce qui en fait un composant parfait pour réaliser du carburant. Néanmoins, un point d’ombre subsiste : en réalité, même dans un des plus grands pays producteurs de vin au monde, la quantité d’ED95 produite annuellement ne pourrait pas excéder la consommation de 1500 à 2000 véhicules sur l’ensemble du territoire français. Une belle marge de progression subsiste car début 2018, seulement vingt véhicules roulaient à l’essence de marc de raisin en France.

Impossible donc de compter seulement sur ce nouveau carburant. Le modèle évoqué par les nombreux transporteurs à vouloir l’adopter partiellement pour leur flotte de véhicules, concerne plutôt un mix énergétique judicieux. Avec des véhicules fonctionnant à l’ED95, d’autres au gaz naturel ou encore des véhicules électriques et plus traditionnels. D’autres questions se posent en termes de rentabilité économique, car les moteurs adaptés à l’utilisation de ce super carburant nécessitent deux fois plus d’entretien, et consomment un volume deux fois supérieur d’ED95 pour une même distance, ses performances calorifiques étant inférieures à celles des carburants fossiles…

Un recyclage judicieux d’un déchet renouvelable, qui même malgré les faibles volumes produits sera de grande utilité en cette période de proche épuisement des réserves fossiles. Qui n’est pas sans rappeler l’initiative française de recyclage des déchets plastique en essence dont nous vous parlions il y a quelques mois, Chrysalis.

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